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Ce week-end aura de nouveau lieu la Global Game Jam, dont j’organise l’un des sites pour le réseau des bibliothèques de Dijon. L’occasion d’écrire pourquoi une Jam c’est giga cool et surtout pourquoi ça a sa place en bibliothèque.

De la confiture de quoi ?

Une game Jam c’est un peu comme un hackathon version jeu vidéo diront les gens du milieu start-up. Les retrogamers penseront quant à eux que c’est un peu une coding party. 

Et pour tous les autres, on peut dire qu’une Game Jam c’est un laboratoire d’expérimentation pour créer un jeu.

Ce n’est absolument pas un concours, comme on aurait pu vous le présenter, mais c’est bien un défi en temps limité. Chaque jam à un jour et une heure de début, un jour et une heure de fin et entre ces deux repères, le seul but est d’essayer de créer un jeu.

Je dis bien essayer, ce n’est absolument pas grave si on n’a rien à la fin.

Les jams existent en présentiel (mais se font rares) ou en distanciel, comme les Ludum Dare qui sont les plus connus. Il existe un nombre assez incroyable de jams en ligne, et un simple aperçu sur le calendrier disponible sur le site itch.io vous permettra de voir qu’il en existe plusieurs dizaines par jour (si, si, j’ai bien dit par jour).

À l’heure de départ, chaque jammer (c’est comme ça qu’on appelle les participants d’une jam) s’installe et commence donc à inventer son jeu selon le thème et les contraintes potentielles de la jam. Avec un peu de chance, il ou elle aura produit en solo ou à plusieurs un petit jeu avant la fin du temps imparti.

Une jam peut, en effet, se faire tout seul, en distanciel depuis sa chambre ou bien en présentiel, à plusieurs avec des dizaines d’inconnus. Et, entre ces deux exemples un peu extrêmes, de nombreuses possibilités. De la bande de copains qui va s’enfermer un week-end dans un appart avec des sandwichs et des chips, aux écoles qui font collaborer les élèves en groupes dans leur local. Et même en bibliothèques ou des petits groupes viennent se joindre à des aventuriers solos.

Pour ce qui est du profil des participants, une jam c’est ouvert à tous, et pas uniquement aux développeurs de jeux vidéo qui savent coder. Un célèbre highlander président français a déclaré un jour “En France, on n’a pas de pétrole, mais on a des idées”.

Les jams, c’est pareil. Vous ne savez rien faire (enfin c‘est ce que vous pensez, et qui est surement faux) mais vous avez des idées ? Parfait, vous allez certainement rencontrer d’autres jammers qui savent faire des choses, mais n’ont pas d’idées pour mettre leurs compétences à profit.

Certains viennent pour le défi technique, en se rajoutant eux-mêmes des contraintes. Un prétexte pour se lancer à l’apprentissage d’une nouvelle compétence. 

L’an dernier, à Dijon, l’un des jammers s’est par exemple lancé le défi de créer un jeu Wii U, car il n’en avait jamais fait (coucou Bruno). 

J’ai moi-même appris à utiliser le logiciel Ren’py directement sur place (avec un tuto youtube de 20 minutes) pour créer en quelques heures un jeu narratif bien franco-français.
L’année suivante, j’ai anticipé un peu un peu en tentant d’apprendre à coder en C en quelques jours pour pouvoir créer un jeu Game Boy.

Mon matériel perso pour créer mon jeu

Je cite ici des compétences très nerds, mais cela peut être une expérimentation plus artistique. Un codeur qui se laisse tenter à faire des graphismes, un artiste musicien qui expérimente l’écriture de scénario, ou encore le graphiste qui fait du Game Design. 

Bref, aucune limite, aucune règle, c’est à chaque jammer de faire ce qu’il a envie pour s’amuser ou expérimenter.

D’ailleurs les jams ne sont pas uniquement dédiés au jeu vidéo. Il existe aussi une multitude de jams (dont la Global Game Jam) où il est possible de créer un jeu sans écran. Du jeu de plateau, à l’escape game, en passant par le jeu de cartes, tout est de nouveau possible.

Pour vous donner un autre aperçu du concept, je vous partage quelques exemples de jams assez amusantes qui vous permettront peut-être de mieux voir l’aspect ludique de la création.

  • Je vous parlais du changement d’heure il y a quelques lignes, et c’est justement le concept de la Zero hours Game Jam qui propose de créer un jeu le jour du changement.
    On vous donne le thème à 02:00 du matin et vous devez le rendre avant 3:00.
    Et puisqu’à 03:00, il sera en fait 02:00, on peut dire que vous avez fait le jeu en 0 heures.
  • Besoin de plus de temps ? La train jam c’est 52h pour créer son jeu… À bord d’un train qui traverse les États-Unis.
  • Plus proche de nous (et même française), la Scientific Game Jam propose d’associer chaque équipe à un doctorant pour mettre la science en jeu.
  • La GBJAM ou il faut créer un jeu inspiré de la GameBoy
  • Et enfin la Global Game Jam, un événement international ou le monde entier se coordonne pour expérimenter sur le même thème.

Around the world, around the woOoOooOOorld

La Global Game Jam c’est donc la plus grosse jam existante avec 35 000 participants de 102 pays différents, répartis sur 796 sites qui vont créer 9 964 jeux sur un thème commun (chiffres de 2024).

Le petit espace jeu pour se détendre sur les poufs balles

En France, plusieurs sites participent, essentiellement dans les grandes villes et bien souvent dans les écoles.

Et si en tant que prof intervenant en école de jeux vidéo, je valide complètement cette pratique (à condition que la Jam ne soit pas notée), je déplore en revanche le manque de site hors écoles.

Pour ce qui me concerne, j’organise un site en présentiel avec le réseau des bibliothèques de Dijon.
Les jammers sont accueillis en médiathèque pour la durée des 48 h, un lieu pas banal pour une jam.

Et pourtant quoi de mieux qu’une bibliothèque pour incarner la transversalité de la culture.

Ayant su s’adapter au fil du temps, les bibliothèques à l’ancienne ont évoluées en médiathèques pour devenir de véritables lieux de vie ou se côtoient livres, musiques, films et même à présent les jeux vidéo.
De plus, les usagers de ces services publics, ne sont pas uniquement des consommateurs de culture, mais peuvent aussi en devenir créateurs. De nombreuses structures proposent des ateliers d’écriture de façon régulière, mais également des coding gouters (j’adore le concept perso).
Je suis intervenu à plusieurs reprises en bibliothèques pour des ateliers de création de Jeu Vidéo.
Ainsi les Game jam semblent être la suite logique de toutes ces activités culturelles et trouvent complètement leur place en bibliothèques.

Ajoutez à cela que les jams en présentiel sont assez rares en France hormis les écoles. J’ai, par exemple, des participants qui viennent depuis Grenoble jusqu’à Dijon puisque je suis la jam ouverte la plus proche.
Un moyen de faire rayonner Dijon bien au-delà de nos terres bourguignonnes

Je vous ai dit qu’elles sont confortables ces balles ?

Côte contrainte cependant, c’est un peu costaud.
Une ouverture en continu de 48 h sur un week-end fera grincer des dents bien des municipalités. Il faudra alors des élus très à l’écoute pour accepter, surtout s’ils n’ont jamais entendu parler de Game Jam.

Il faut également loger les jammers (mode camping d’intérieur) et leur permettre de se nourrir. Les salades de pâtes et les croque-monsieur seront vos meilleurs amis. Et c’est un peu cela qui va aussi donner une dimension si humaine à la jam en présentiel.

Un espace vivant

Les Game Jams en présentiel sont un incroyable espace de rencontre.

Si vous êtes étudiant, vous aurez l’occasion non seulement de remplir votre CV, mais également de rencontrer votre futur employeur. Et je ne dis pas ça comme une promesse, mais par expérience.

Sur les dizaines de candidats que reçoivent les studios de développement, une majorité disent “rêver de travailler dans le jeu vidéo pour créer des jeux” tandis que presque aucun CV ne comporte de Game Jam.
Vous rêvez vraiment de travailler dans le jeu vidéo pour créer des jeux ? Faites la jam la plus proche de chez vous et mettez-le sur votre CV, vous passerez en haut de la pile.

Davis Cagette (pseudonyme) un habitué de la GGJ qui vient sur le site de Dijon depuis qu’il est étudiant.

Lors d’une précédente édition de la GGJ sur Dijon, un jeune étudiant (coucou Guillaume) est venu tout seul, depuis son petit bled paumé, en bus. Et est reparti malheureusement un peu plus tôt parce qu’il n’y avait qu’un seul bus le dimanche.
Il a fait équipe sur place avec le patron d’une boite de dev Local (Da Viking Code) et ils ont créé ensemble un petit jeu, à 2.

Devinez ou Guillaume à fait son alternance ? Da Viking Code
Devinez ou Guillaume travaille à présent ? Da Viking Code
Devinez ou Guillaume à rencontrer son patron ? À la Global Game Jam de Dijon

Et cette belle histoire n’en est une qu’une parmi tant d’autres.

Avant d’organiser la Global Game Jam, nous organisions déjà avec le réseau des bibliothèques de Dijon une autre jam. L’occasion pour plusieurs participants de se rencontrer, sympathiser, et même rester en contact pour créer leur propre studio. C’est ainsi qu’est née Grosse Caisse Production et leurs jeux si funs.

Devinez qui sont les premiers inscrits à la GGJ de Dijon chaque année ?

Et si vous avez un peu de temps, la meilleure façon de ressentir cette ambiance sans être venu, c’est d’écouter les épisodes hors série de mes copains du podcast backlog.
Je vous mets ci-dessous l’un d’entre eux, mais ces trublions me font l’honneur de venir à chaque édition pour faire un reportage, fouillez leur page pour trouver les autres.

De la découverte

Les Jams sont aussi un potentiel espace de découverte, pour les jammers mais aussi pour les usagers.

Dimanche après-midi, après des heures de création par les jammers, les projets seront présentés et seront jouables par les usagers qui viendront à cette ouverture exceptionnelle des portes un dimanche.

La création de jeu prend, en effet, tout son sens lorsqu’elle est partagée. Le but d’une jam n’est pas de s’enfermer dans le noir entre nerds pour coder des trucs, mais d’expérimenter et de créer un jeu qui pourra ensuite faire le plaisir des autres.

Les familles du quartier viennent découvrir les jeux créés dans le week-end

Côté jammers, la découverte en plus prend plusieurs formes.
Ils peuvent découvrir un nouveau domaine, une nouvelle compétence, une discipline inconnue, par leur expérimentation. Et ça, c’est valable pour n’importe quelle jam.

Mais à Dijon, on a un petit truc en plus. 

L’équipe incroyable du réseau des bibliothèques de Dijon va non seulement accueillir les jammers mais aussi leur préparer un espace de vie et des animations « atypiques ».

La mise à disposition de tables, de chaises et de multiprises est à la portée de n’importe quelle structure de ce type. Cependant, trouver une sélection de livres en rapport avec le jeu vidéo ou avec le thème de l’année est une petite attention que vous ne trouverez pas partout.

Ajoutez à cela un espace jeu vidéo pour pouvoir se détendre et pas uniquement cravacher.
Et comme les créatifs consomment des boissons chaudes, une petite table pour se recharger en café et en thé à volonté.

Mais LA grosse surprise de l’an dernier, c’est une idée de Valérie.
Une fois la jam bien entamée et les jammers bien impliqués, elle fait le tour des tables et distribue feuille et stylo à chaque participant sans rien dire. Tout le monde est bien équipé ? Allez dictée surprise !

Valérie récitant la dictée de sa douce voix.

Et oui, une dictée loufoque du professeur Rollin en pleine Game Jam. Une idée saugrenue qui aura bien amusé les jammers qui se sont pris au jeu et aura bien occupé Valérie qui aura corrigé la trentaine de copies ensuite. J’ai eu 17/20.

Et tant que je vous parle de moi, il y a aussi la spécificité Gaëtan

Pendant que tout le monde s’affaire, on me laisse à disposition un écran et une connexion internet. Je dégaine mon PC et je fais découvrir des jeux indés rigolos. Je fais balance l’excellent jeu de confrontation de grille-pain Toasterball. Si mon fidèle ami Skywilly est là, il lance Fight of gods pour amorcer un combat entre Jésus et le père Noël. Et l’on passe ensuite la nuit à se tordre de rire sur Use Your words.

Là, c’est le combat de Moïse contre Amaterasu

La fin de nuit est plus calme et j’en profite pour lancer des vidéos de la web culture ou des années 90.
Les jammers vont se coucher un à un pendant que La Classe Américaine passe à l’écran, et se réveillent sur une rediffusion du téléachat des années 90 (disponible sur YouTube) avant de regarder l’école des fans. On se croirait un dimanche de 1992.

Et d’autres joyeusetés comme mes déguisements, mais je ne voudrais pas dévoiler toute la magie ici.

Créez votre propre format.

Vous l’aurez compris, la GGJ de Dijon est imprégnée de l’esprit de ses organisateurs.

Une Game Jam n’est finalement pas si compliquée à mettre en place. Quelques tables et chaises, un micro-ondes branché dans un coin et une équipe pour encadrer le tout.

Faites-vous plaisir, créez votre propre format. Une jam qui vous ressemble et donnera à vos jammers l’impatience de revenir l’année suivante.

Pour cette édition 2025, nous sommes complets avec 35 participants, on a même refusé du monde (mais on ne peut pas pousser les murs). Le tout, sans la moindre communication, juste sur le bouche-à-oreille des jammers et le plaisir de revenir de la plupart d’entre eux.

Vous en connaissez beaucoup des bibliothèques obligées de refuser du monde qui a envie de venir créer chez eux ?

Et si vous souhaitez créer votre propre jam, mais que l’inconnu vous fait peur, contactez-moi. On pourra mettre ça en place ensemble (oui, c’est là que je vais voir faire un devis). Mais pas cette semaine, je dois préparer mes déguisements et mon matériel pour ce week-end.

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