Si vous prévoyez de conquérir le marché chinois, on va très vite vous avertir des différences culturelles et surtout des usages très différents du jeu vidéo dans ce pays lointain. En tête de ligne, on vous expliquera la nécessité de faire un jeu jouable à une seule main. À titre personnel, je ne connais pas assez profondément le marché chinois pour confirmer ou infirmer cette information (bien que l’un de mes clients en consulting fasse d’excellentes ventes sur ce territoire). Cependant, je peux vous affirmer que rendre votre jeu jouable à une seule main est un véritable argument sur n’importe quel marché du jeu vidéo, qu’il s’agisse d’Asie, d’Europe ou de n’importe où dans le monde.
Table des matières
Pourquoi votre jeu doit être jouable à une seule main
Les usages du jeu mobile
Commençons par enfoncer des portes ouvertes, en parlant de jeu mobile. Bien que toujours mal reconnu par les gamers autoproclamés, ce support empoche pourtant en 2020 la plus grosse partie du gâteau.
Le spectre des types de jeux sur mobile est vaste, allant de Fortnite (Battle Royale), à Pokémon Go (Réalité augmentée) en passant par le classique Candy Crush (freemium), et d’autres que j’aborderai un peu plus tard.
Il serait ridicule d’affirmer que chacun de ces jeux doit être jouable à une seule main, mais il convient de se poser la question de l’usage. Pour Fortnite, il semble en effet compliqué de proposer une interface jouable à une main, et même si celle-ci était possible, changerait-elle réellement l’expérience du jeu pour son public ? C’est à vérifier.
Un monde dangereux
Concernant Pokémon Go, de nombreuses familles ont profité du jeu pour organiser des sorties ou se balader un peu le dimanche. La chasse aux Pokémons a aussi servi d’excellente excuse pour sortir le chien plus souvent ou allez faire un peu de sport. Malheureusement Pokémon Go n’est pas jouable à une seule main, et pourtant il le devrait.
Imaginez que vous êtes avec votre enfant / petite sœur / neveu (rayez la mention inutile) et que l’arène Pokémon se trouve proche de la route. C’est d’ailleurs relativement souvent le cas, puisque les arènes sont positionnées sur des monuments historiques ou culturels de chaque ville et donc facile d’accès, voire visible de la route (pour que les touristes puissent l’apercevoir sans descendre de leur véhicule). Il vous est alors impossible de tenir la main votre proche (pour plus de sécurité), tout en essayant de capturer un Pokémon (qui nécessitera l’usage de vos 2 mains). Les plus sages rangeront le mobile dans leur poche, ne pouvant profiter sereinement du jeu. Les moins raisonnables en revanche, continueront de jouer en laissant leurs proches sans surveillance et deviendront indirectement source d’accidents. Éthiquement, le moindre potentiel d’accident causé par votre jeu devrait vous alarmer. Commercialement, les accidents seront source de mauvaise publicité et d’articles de presse diabolisant qu’il vaudrait mieux vous éviter.
Le jeu mobile est comme son nom l’indique un loisir qui se pratique partout, en particulier en extérieur. N’oubliez donc pas de vous demander dans quel contexte vos joueurs vont profiter de votre titre et si l’usage de celui-ci à une seule main ne serait pas un avantage, ou même une nécessité. D’autant plus que dans cet exemple, adapter Pokémon Go à une seule main est loin d’être un défi pharaonique.
Le snack gaming des transports en commun
Toujours en dehors de la maison, mais moins exposé aux dangers, on trouve les jeux à grignoter. Vous avez rendez-vous au dentiste, mais celui-ci à une demi-heure de retard et vous patientez en salle d’attente, c’est le moment parfait pour jouer à Candy Crush. Si vous êtes là pour une petite consultation vous disposez de vos 2 mains pour jouer, mais si vous avez très mal, vous êtes sans doute en train de vous appuyer sur la joue avec la main pour tenter de vous soulager. Il ne vous reste donc plus qu’une main pour jouer.
D’ailleurs pour aller à votre rendez-vous, vous avez dû emprunter le métro / le bus / le train (rayez la mention inutile), celui-ci était particulièrement bondé et vous n’avez pas pu trouver de place assise. Vous tenant d’une main pour ne pas tomber, vous avez quand même pu jouer à Crossy Road avec votre seconde main. Vous avez même battu votre propre record en faisant 165 points avec la mangouste, génial !
Le snack gaming tiens son nom de la nourriture que l’on peut manger vite fait quand on n’a pas vraiment le temps de manger. Le jeu mobile peut ainsi faire office de passe-temps pour quand l’on n’a pas vraiment le temps de jouer. Et puis votre mobile est en permanence sur vous, il peut donc vous dépanner à tout instant “perdu”, alors qu’on se promène rarement avec un sandwich Jambon-beurre dans la poche.
Le jeu de canapé
Si le jeu mobile se pratique en extérieur, il est aussi très utilisé en intérieur, grâce à la force de la flemme, présente en chacun de nous. Le mobile à en effet fait sa place dans notre quotidien et dans nos maisons.
- Jeudi soir, confortablement posé dans votre lit, vous jouez à un jeu narratif tout en buvant votre tisane du soir.
- Samedi midi, vautré dans votre canapé, vous avez envie de jouer, mais il faut se lever pour prendre une manette, heureusement votre téléphone est sur l’accoudoir.
- Samedi soir, vous ne travaillez pas demain et en profiter pour jouer un peu à Crossy Road, un sandwich à la main pour décompresser de votre semaine.
- Dimanche après-midi pluvieux, vous jouez sur votre téléphone tout en caressant le chat qui s’est accaparé vos jambes comme lit (j’écris d’ailleurs ces lignes un dimanche de pluie, avec un chat sur les genoux).
- Lundi matin, café à la main, vous améliorez les murs de votre village de Clash of Clans avant de partir au boulot.
Il ne s’agit là que de quelques exemples, mais combien font caca en jouant sur leur téléphone ? Lancent un niveau de leu jeu hypercasual préféré en regardant l’eau des pâtes bouillir ? Où avancent quotidiennement (à heure régulière) leur progression sur un freemium ?
Des situations que vous pouvez vous-même tester dans votre maison, pour vérifier si votre jeu est facilement utilisable dans ces différents contextes quotidiens.
L’usage plutôt que la catégorie
De Fortnite à Crossy Road, on n’est clairement pas sur le même type de jeu, ni le même type de public. Plutôt que de réfléchir via ces petites cases souvent mal adaptées, posez-vous la question de l’usage de votre jeu.
Among Us est à la base conçu pour être joué sur PC, mais le succès du jeu auprès des jeunes en a fait un jeu de cours de récré idéal sur mobile. De l’usage d’un ordinateur domestique (environnement calme, sessions de jeux longues et à distance) à la cour de récré (brouhaha et éléments perturbateurs extérieurs, parties de jeu courtes, multijoueurs local) il existe un gouffre. Pourtant, il s’agit du même jeu, avec les mêmes mécaniques, mais avec une interface utilisateur différente.
Dans le cas d’un jeu mobile en particulier, il faudra toujours vous poser plus de questions que pour tout autre support. Pour résumer celles-ci, gardez juste à l’esprit le trio “Où, Quand, Comment”, qui vous permettra déjà de bien dégrossir le sujet.
- Ou les joueurs vont-ils jouer à mon jeu ?
Cet environnement implique-t-il des conditions particulières (Dangers de la route de Pokémon GO, Cours de récré d’Among Us) - Quand vont-ils jouer à mon jeu ?
Cette fenêtre de temps est-elle fixe ou variable (la récré dure toujours le même nombre de minutes, l’attente au dentiste non).
Si ce délai est fixe (et très court) l’usage à une main permet-il de rendre le jeu plus fluide et plus rapide ? - Comment vont-ils jouer à mon jeu ?
Assis dans un canapé (avec ou sans un chat sur les genoux), debout dans le métro ? Au calme un jour pluvieux, ou dans un contexte bruyant et mouvementé ?
Faites-vous de petits scénarios d’usages et imaginez la vie de vos joueurs au-delà de leur écran. Si votre jeu est déjà sorti, renseignez-vous auprès de vos utilisateurs existants pour en savoir plus. Un sondage anonyme, un concours rigolo (poste une photo de ton lieu préféré pour jouer à notre jeu), sont des façons de récolter ces infos sans trop de difficultés.
Confort VS vitesse
Au-delà du mobile, un jeu peut très bien être jouable une seule main sur PC ou console. Ici aussi, on va se concentrer sur l’usage pour observer les cas où un jeu jouable à une seule main à son intérêt. Pour illustrer le tout je vais à nouveau vous raconter une petite histoire.
Kevin est un joueur adolescent très axé sur le compétitif. Jouant dans une équipe d’eSport, il a développé des facultés incroyables et tape à une vitesse folle tout en visant avec une précision extrême. Mêlant à merveille raccourcis au clavier et parfaits mouvements à la souris, il parvient à être beaucoup plus rapide que les autres joueurs de son équipe qui l’ont habillement surnommé “le Poulpe”. Il est en effet si rapide qu’on dirait qu’il a 8 bras au lieu de 2. Pendant qu’il s’entraine chaque soir, en vue du prochain tournoi, son papa Jean-Pierre allume lui aussi son ordinateur pour jouer. Il se fait couler un café pendant que son PC démarre. Puis revient tranquillement démarrer une partie de Frostpunk. Calé au fond de son fauteuil, tasse à la main, pour tenter de sauver son village de l’extinction glacière.
Je n’ai pas besoin de vous préciser que rendre le jeu de Kevin jouable à une seule main serait inutile. Côté compétitif, on fera toujours passer la performance avant le confort, et plus on a de bras (avec des mains au bout) et plus on sera efficace. À l’inverse Jean-Pierre joue pour se détendre et privilégie ses capacités cognitives à ses aptitudes physiques. Si Frostpunk n’était pas jouable à une seule main, il ne pourrait pas y jouer en buvant son café et aurait peut-être tourné son choix vers un autre jeu.
À titre personnel, lorsque je travaille en consulting sur un jeu, je me fais toujours couler un café. Si en démarrant la partie je suis obligé d’utiliser mes 2 mains je vais me demander immédiatement si ma seconde main est réellement nécessaire. Si tel est le cas, je profiterai de petits temps morts pour boire une gorgée de temps en temps (de café froid quand le jeu est vraiment passionnant). Si à l’inverse je vois que toutes les actions auraient pu être faites avec une seule main, je démarre frustré et note ce premier point dans mon document de consulting. En effet n’étant pas joueur compétitif je fais passer le plaisir (le JEU de jeu vidéo), avant la rapidité d’exécution.
Si vous concevez un jeu à haute valeur compétitive, la question du jeu à une seule main ne se pose que pour augmenter les performances (dans ce cas il vous faudra vraiment un UX designer pour calibrer le tout à la perfection). Dans le cas des jeux orientés vers la détente (titres narratifs, jeux de gestion au coin du feu, etc) l’interface à une seule main est une priorité. Réutiliser les questions Où, Quand et Comment (citées plus haut) vous permettra ici aussi de définir des scénarios d’usage pour savoir si votre jeu a besoin ou non d’être jouable à une seule main.
L’expérience et les habitudes
Si vous prenez ma manette lors d’une partie de FPS, vous découvrirez que je joue en visée inversée. J’aime bien justifier ce réglage en argumentant ironiquement “Les vrais savent”. L’origine de cette préférence est en fait plus bête que ce qu’on pourrait imaginer. Dans les années 90 (quand j’ai commencé à jouer), la plupart des jeux utilisaient la visée inversée, héritée des simulateurs d’avion. Je n’ai tout simplement jamais forcé pour apprendre à jouer différemment depuis.
Si vous êtes devant votre PC, regardez votre clavier et interrogez-vous sur la disposition des lettres (en AZERTY certainement). Savez-vous d’où vient cette disposition ? Des machines à écrire, où l’on avait écarté les branches des lettres les plus utilisées pour éviter qu’elles se croisent. Aujourd’hui cette contrainte mécanique n’existe plus et l’on pourrait tous passer à un clavier dit Bépo, qui à l’inverse rapproche les lettres les plus utiles. Mais les habitudes ont la vie dure et un changement de code ne peut se faire facilement que s’il facilite très rapidement son utilisateur. Dans le cas du clavier, le passage au Bépo va demander un certain temps d’adaptation (pas très agréable) qui va limiter sa démocratisation même s’il est potentiellement plus efficace à long terme.
Si Jean-Pierre, qui à l’habitude des jeux de gestion à une seule main (Frostpunk, Jurassic World Evolution) démarre un nouveau jeu du genre, il va intuitivement vouloir utiliser les mêmes codes. Si le jeu en question n’est pas jouable à une seule main, Jean-Pierre ne pourra pas en profiter avec son café, le désinstallera certainement rapidement et se fera peut-être même remboursé s’il est dans le délai imparti.
Peu importe que votre jeu soit novateur, casse les codes ou propose une expérience follement originale. S’il ne propose pas une interface adaptée aux habitudes de son public il n’arrivera pas à se faire une place dans le marché. C’est au jeu de s’adapter au joueur et non l’inverse.
L’accessibilité
Dernière raison, mais sans doute l’une des plus importantes. Votre jeu doit être adapté au plus grand nombre, et le rendre jouable à une seule main est une des façons d’élargir l’accessibilité de celui-ci.
Less si more
Si Kevin le poulpe peut facilement mémoriser les raccourcis clavier de son jeu préféré, ma grand-mère à quant à elle du mal à mémoriser la fonction de chaque touche de ma manette Xbox. Si je vous cite ma grand-mère, c’est parce qu’il y a quelques années, elle a commandé une DS à Noël pour jouer au Programme d’Entraînement Cérébral Avancé du Dr Kawashima. J’ai eu le plaisir de lui offrir ma propre DS, accompagnée du jeu auquel elle a pu s’adonner sans difficulté puisqu’il est jouable avec un simple stylet. Le succès de la Wii et de la DS auprès des seniors n’est d’ailleurs pas si anodin, car il est plus facile d’initier de nouveaux joueurs avec des contrôles simples.
Il en est de même pour les plus jeunes. La découverte de la manette est parfois ardue en plus de l’écran, des sons et des mécaniques. Le jeu Oniri Islands, destiné à faire jouer des parents avec leur enfant résout ce problème grâce à son système de jouet connectés. Utilisant sa main pour déplacer la figurine sur la tablette, l’enfant peut se concentrer sur le jeu et non sur comment l’utiliser. Les parents non-joueurs peuvent, eux aussi, facilement découvrir le jeu et se lancer dans l’aventure sans avoir à lire une interminable notice ou suivre un tutoriel de 20 minutes. Plaisir simple et immédiat.
Les non-joueurs sont d’ailleurs souvent boudés alors que des contrôles simples permettraient de les attirer sans soucis. Organisant des soirées jeux vidéo indépendant dans des bars non gamer, j’ai pu voir les différences de succès d’un jeu à l’autre. Wrestle Jump, jouable à une main est capable d’attirer et d’amuser n’importe quel client du bar, tandis que Niddhog ou Tricky Towers sont déjà trop compliqués pour quelqu’un n’ayant pas touché une manette depuis des années (ou jamais de sa vie).
Pas de bras, pas de jeu vidéo
J’ai passé l’été de mes 14 ans en béquilles. Pas cool en plein été, pas de balades, pas de baignades, mais j’ai quand même pu ramasser les 120 étoiles de Super Mario 64 et toutes les pièces de puzzle de Banjo-Kazooie. L’hiver suivant, mon cousin a eu moins de chance. Il est tombé en scooter et s’est cassé les 2 bras, nettement moins pratique pour jouer aux jeux vidéo.
Je n’ai aucune idée du nombre de personnes se cassant les 2 bras, ou même un seul. Ni sur combien de personnes doivent vivre leur vie entière avec un bras en moins. Par contre, ce que je sais, c’est que dans une telle situation le nombre de jeux vidéo accessibles va drastiquement chuter.
Il existe bien quelques solutions pour tenter de faciliter cet accès au jeu vidéo. Microsoft propose une manette Xbox adaptive vendue 89 €. Tandis que des bricoleurs inventent des supports à imprimer en 3D pour permettre d’utiliser 2 joycons Switch à une seule main. Mais la solution la plus simple est encore d’épurer la façon de jouer à votre jeu pour le rendre plus abordable.
Certains jeux sont parfois difficilement adaptables, comme on a pu le voir précédemment. Pour d’autres, on se demande à l’inverse pourquoi le jeu n’est pas conçu de base ainsi. Si le chef de projet de Pokémon Go avait eu un bras en moins, le jeu n’aurait pas été plus mauvais d’un iota, mais il aurait par contre été adapté au plus grand nombre, tout en réduisant les risques de provoquer des accidents et de casser de nouveaux bras.
Comment rendre votre jeu jouable à une seule main
Maintenant que je vous ai bien bassiné avec toutes mes petites histoires, je vais vous donner quelques pistes de réflexion pour rendre votre jeu jouable à une seule main.
Les boutons à portée de pouce
Steve Jobs disait lors du lancement de l’iPhone que l’écran était adapté à l’amplitude du pouce pour une efficacité maximum. En 2021 à l’heure ou j’écris ces lignes (coucou le futur, ça va chez vous ?) mon Xiaomi Mi A2 lite et son écran de 5.84 pouces sont considérés comme un “petit écran”. Mes petites mains et moi sommes au regret de vous annoncer que c’est encore trop grand. Malheureusement les petits écrans sont souvent assimilés à des modèles “entrées de gamme” peu performants. Impossible de trouver un téléphone “haut de gamme” avec un petit écran. On n’arrête pas le progrès.
Côté développement sur mobile, la navigation à une seule main est donc encore plus compliquée, puisque le pouce ne permet plus de couvrir tout l’écran. Vous trouverez heureusement d’excellents articles en français ou en anglais sur internet pour vous aider à créer une interface plus facile à utiliser. Si vous en avez les moyens, embaucher un UX designer (vous en trouverez facilement en freelance) reste sans doute la solution qui sera la plus efficace au final.
Tant que vous êtes en train de travailler votre accessibilité, n’oubliez pas les gauchers, eux aussi souvent délaissés. D’ailleurs si vous vous cassez le bras demain, qu’est ce qui vous dit que ce ne sera pas votre bras droit.
Observez la concurrence
N’allez pas réinventer la roue si vos prédécesseurs ont fait un travail qui fonctionne en amont. Tester les jeux de vos “concurrents”, analyser les mécanismes qui fonctionnent bien et reproduisez-les ou inspirez-vous-en. Vous travailler sur un jeu de gestion pour Jean-Pierre, lancez Frostpunk et testez-vous même les contrôles.
Attention cependant à ne pas copier les mauvaises idées. Si Pokémon Go est un succès commercial, c’est avant tout grâce à sa base de fans et non à ses qualités intrinsèques. En dehors de son enrobage Pokémon, le jeu en lui-même est même relativement mauvais (interface inadaptée, optimisation batterie discutable, etc) et tous ceux qui ont tenté de le copier se sont cassés les dents (Minecraft Earth par exemple), sans doute parce que la formule de base n’est finalement pas si efficace que cela. Pokémon Go n’est d’ailleurs lui-même qu’une grosse refonte du jeu Ingress, précédente production du studio Niantic, qui n’a pas connu grand succès en dehors d’une sphère d’initiés parisiens.
Retirez-vous un bras
Si vous êtes solodev
- Testez vous-même votre jeu avec un bras en moins. Demandez à un proche de vous attacher une main dans le dos et essayer votre jeu. Si 5 minutes devraient vous suffire à constater l’efficacité ou non de votre interface, n’hésitez pas à garder cette contrainte une journée de travail entière pour vous imprégner des usages liés à ce handicap.
- Faites tester le jeu à tous vos amis un par un et observez leurs mains sans rien leur dire. Apportez leur un café pendant qu’ils jouent pour voir avec quelle facilité ils peuvent concilier les 2 activités (ou non si votre interface n’est pas adaptée).
- Jouez à beaucoup de jeux pour voir ce qui se fait ailleurs. Un seul solodev curieux avec une bonne culture de joueur à plus de chances de comprendre les soucis et les résoudre, qu’une équipe de studio trop débordé par l’organisation de la boite (en plus du jeu à créer) pour prendre le temps de jouer à beaucoup de jeux différents.
Si vous faites partie d’un studio
- Faites le même test du bras dans le dos en impliquant vos collègues. Simulez cette situation chacun votre tour, ou même tous en même temps. Vous devriez facilement comprendre les éléments clés pour rendre votre jeu jouable à une seule main.
- Reproduisez cette étape de test à chaque modification de votre interface, afin d’éviter une dérive.
- Intégrez une phase supplémentaire à une seule main dans vos playtests.
- Nommez quelqu’un en interne pour vérifier chaque nouvelle version et guider tous les problèmes d’accessibilité potentiels.
- Documentez votre démarche pour les futurs employés, ou pour vous y référer vous-même régulièrement.
- Si vous bloquez, faites tester votre jeu au moins joueur de l’entourage du studio. Votre comptable qui n’a jamais touché une manette, le livreur de pizza qui passe tous les vendredis soir pour l’after-work, le patron du PMU en face, etc.
Un jeu pour Davy Jones ou pour le Capitaine Crochet
Vous avez à présent les éléments de base pour pouvoir (ou non) rendre votre jeu jouable à une seule main. Avant de vous lancer dans cette aventure, il va falloir faire un choix.
- Si votre jeu s’adresse à un large public, il faudra le rendre au maximum accessible en le passant jouable à une seule main.
Une contrainte qui va vous demander plus de réflexion, plus de travail et plus de tests, mais qui va permettra au final de vendre un nombre plus conséquent de jeux. - Si à l’inverse vous concevez un jeu demandant d’utiliser de multiples boutons ou touches différentes, il ne pourra pas s’adresser au grand public.
S’il avait fallu utiliser le clavier pour jouer aux Sims, EA n’en aurait certainement pas vendus autant.
Les joueurs habiles étant statistiquement moins nombreux que les joueurs lambdas, vous vendrez par conséquent beaucoup moins de copies de votre jeu.
Pour faire votre choix lors de la conception de votre jeu, posez-vous la question de la façon dont vos joueurs vont profiter de votre titre. Faites des scénarios d’utilisation, parlez-en aux joueurs de votre entourage et concevez votre avatar client. Cela vous permettra de décider si rendre le jeu jouable à une seule main est une nécessité ou si vous décidez de vous adresser à une niche de joueurs plus habitués à des contrôles plus complexe.
Parlez-en en interne si vous êtes un studio ou réfléchissez-y quelques jours si vous êtes solodev. Pour plus d’efficacité fixez-vous une date limite pour prendre votre décision. Pourquoi pas lundi prochain tiens.
Je vous laisse à présent, j’ai une gamelle de pâtes à faire cuire et un nouveau record de Crossy Road à battre en même temps.
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Erreur : Formulaire de contact non trouvé !
Tous les gifs de l’article sont tirés du film Hook. Qui, mieux que le Capitaine Crochet, pouvait illustrer le besoin de jeux jouables à une seule main.
Rapport de faute d’orthographe
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